Trois jours dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile

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Depuis quelques temps, le sujet de l’immigration revient dans l’actualité et notamment dans la politique française. On nous nourrit de débats, de chiffres, de principes radicaux et d’idées toutes faites. Malgré tout, cet enjeu peut parfois nous paraître un peu vague et lointain. Pourtant,  il est important de pouvoir regarder la situation sous plusieurs angles et de s’intéresser aussi au côté humain des choses.

Immersion dans le centre

J’ai eu la chance, il y a quelques semaines, de faire du volontariat dans le Centre Croix-Rouge de Rocourt pour demandeurs d’asile en Province de Liège.

Je suis partie dans le cadre d’un chantier d’un week-end avec les Compagnons Bâtisseurs (une association qui organise des actions de volontariat en Belgique et qui accompagne des volontaires belges à partir à l’étranger).

Notre groupe, composé de 6 personnes, avait pour mission de construire des bancs, des tables et des bacs à fleurs afin d’aménager les espaces extérieurs du centre. Celui-ci est une ancienne caserne militaire constituée de plusieurs bâtiments rectangulaires. Des espaces verts longent les murs et le complexe est entouré de grilles.

Un brouhaha étonnant et chaleureux.

Nous sommes arrivés le vendredi soir et nous nous sommes rendus dans le réfectoire pour souper. C’est une grande salle où s’alignent des rangées de longues tables. Bordée de grandes fenêtres donnant sur l’extérieur, la salle est très lumineuse. Au bout de la pièce trône la grande croix rouge caractéristique sur son fond blanc.

Là-bas tout le monde est actif, les gens arrivent, partent, mangent et rigolent en petit groupe. Il y a aussi des résidents qui viennent chercher le repas pour aller le manger dans leurs chambres avec leur famille. Certaines personnes qui mangent seules.

Le plus marquant c’est la mixité des langues, tout le monde autour parle des langues différentes. Même si je dirais que l’Arabe est majoritaire, ce mélange de langues crée un brouhaha étonnant et chaleureux. Il y a des enfants qui jouent, des hommes et des femmes jeunes mais aussi des personnes plus âgées, le plus souvent des hommes, venant de toutes les cultures et de différents horizons… Bref, la mixité est en au rendez-vous.

Ensuite, nous avons rencontré les collaborateurs qui gèrent le centre autour d’un petit café et ils nous ont montré notre chambre. La pièce, aménagée pour notre venue, est similaire à toute les autres. Elle se situe au sous-sol, en dessous du réfectoire, en face de la salle de musculation et à côté de la vestiboutique, de l’aide au devoir et des classes de français. Notre chambre contient 9 lits et au milieu, une petite table, et le long des murs des armoires métalliques semblables aux casiers clichés américains. Des rideaux attachés aux barres métalliques des lits superposés offrent un peu d’intimité.

En résumé, cette chambre éclairée par des néons jaunes et par des fines lucarnes est assez confortable.

Rencontres

Bon là, je décris beaucoup ce que j’ai vu, mais j’ai aussi fait des connaissances, discuté avec les réfugiés (certains pensaient que nous étions des nouveaux résidents).

Le soir, nous nous sommes rendus dans la salle commune. C’est une salle avec un petit bar au fond de la pièce, un baby-foot, une table de ping-pong, des fauteuils et tables de pique-nique le long des fenêtres. Les résidents viennent dans cette salle pour se détendre, regarder la tv, des vidéos ou écouter de la musique. Là-bas nous avons fait des rencontres avec les réfugiés, joué au Uno avec les enfants du centre. Tout le monde était gentil, ouvert et intéressé. On parlait anglais avec les adultes et français avec les enfants.

Des pupusas

Le lendemain, nous nous immédiatement rendus dans un hangar du centre pour travailler car il pleuvait des cordes. Là, nous avons travaillé pendant toutes la journée afin de créer des fournitures d’extérieur. Accompagnés de certains résidents qui voulaient aider, nous avons scié, vissé, peint et brûlé les palettes de bois.

En fin de journée, je me suis fait invitée par une jeune résidente. Elle m’a fait visiter la chambre où elle vit avec sa famille depuis 3 ans. Ils viennent du Salvador (un pays d’Amérique Latine) et parlent donc espagnol. Elle et sa famille ont été très accueillants et m’ont proposé de goûter des spécialités de leur pays. J’ai donc mangé des pupusas (des galettes de farine de maïs fourré au fromage, accompagné d’une sauce au légumes). C’était vraiment délicieux !

Leur chambre était très spartiate. La porte d’entrée donnait sur une petite pièce, bien décorée qui dispose d’une télévision, d’une table et d’étagères. Il y avait aussi une pile de chaises que l’on pouvait déployer pour installer les gens. Cette toute petite pièce fait office de salon, de cuisine et de salle à manger. Sa famille fait la vaisselle dans un petit lavabo, derrière la porte menant aux cabinets de toilettes. Après avoir regardé un film, joué avec le petit frère et remercié tout le monde, j’ai rejoint mon groupe où nous avons fait quelques matches de baby-foot.

Le jour suivant, nous nous sommes remis au travail, puis, après avoir bu un petit café avec les collaborateurs et les résidents qui nous avaient aidés, nous avons dit aurevoir et sommes rentrés chez nous.

Une réalité pas toujours rose

Malgré tout, la vision que je vous dévoile est peut-être un peu édulcorée. Tout n’est pas rose non plus. En effet, très peu de migrants reçoivent une réponse positive à leur demande d’asile (un tiers des demandes ont été accepté en 2020). Par exemple, la famille salvadorienne avec qui j’ai mangé samedi soir avait déjà reçu une réponse négative et faisait un dernier recours.

Ensuite, vivre dans une communauté d’inconnus pendant des mois, voire des années peut-être très difficile et entraîner des tensions.  C’est comme dans tout groupe d’humains vivant ensemble, les conflits sont vites arrivés. De plus, les locaux sont petits et il est difficile d’avoir un peu d’intimité quand on doit partager sa chambre avec des personnes que l’on ne connait pas.

Si je vous raconte cette expérience, c’est parce que ce secteur manque peut-être de visibilité et l’on peut oublier que ce sont des humains qui ont une histoire derrière eux. Les personnes que j’ai rencontrées là-bas étaient vraiment sympas, ouvertes, intéressées et extrêmement enrichissantes. Nous avons fait des rencontres marquantes. Cela a été un très grand plaisir d’être si bien accueillie dans leur centre et leur maison (un papi palestinien m’a même offert une framboise de son petit potager).

Dans notre région

Si vous aussi vous êtes intéressés par ces problématiques, sachez que la Croix-Rouge est constamment en recherche de bénévoles. Près de nous, le centre d’accueil des demandeurs d’asile d’Arlon organise des journées portes-ouvertes chaque année. Leurs comptes Facebook sont généralement très actifs et les gens passionnés. Si vous voulez faire du volontariat ou participer à la vie commune dans un centre croix rouge pendant quelques jours, les Compagnons Bâtisseurs organisent régulièrement des chantiers en partenariat avec Fedasil (Agence Fédérale pour les demandeurs d’asile).

Ainsi, au lieu de vous tourner les pouces ou de vous enflammer pour ou contre la migration en Belgique, pourquoi ne pas sortir le bout du nez de chez vous et rencontrer des personnes intéressantes et peut-être, vous en faire des amis !

infos sur les compagnons bâtisseurs :

Accueil (compagnonsbatisseurs.be)